
Autocontrôles en restauration : votre routine gagnante
Par Anne Garaicoechea | Consultante Hygiène
📅 Novembre 2025 | ⏱️ 12 min de lecture
« Encore de la paperasse ! »
C’est la réaction de beaucoup de restaurateurs face aux autocontrôles. Pourtant, bien pensés, les autocontrôles ne sont pas une corvée administrative : ils constituent votre meilleur système d’alerte précoce, votre assurance contre les risques sanitaires, et votre sésame pour réussir n’importe quelle inspection.
Un établissement qui pratique l’autocontrôle rigoureux sait en permanence où il en est. Il détecte et corrige les problèmes avant qu’ils ne deviennent critiques. Il dispose de toutes les preuves de son engagement en matière d’hygiène.
Sommaire
Qu’est-ce que l’autocontrôle ?
💡 L’autocontrôle, c’est la surveillance active et documentée de vos pratiques d’hygiène alimentaire.
Concrètement, il s’agit de vérifier régulièrement que vous respectez les règles sanitaires, de tracer ces vérifications, et d’agir immédiatement en cas d’écart.
L’autocontrôle repose sur trois piliers :
1. Observer : constater l’état réel de votre établissement (températures, propreté, dates limites…) ;
2. Enregistrer : documenter ces observations pour garder une trace, créer votre « traçabilité » ;
3. Corriger : agir immédiatement quand un problème est détecté.
C’est l’application concrète de votre Plan de Maîtrise Sanitaire (PMS) au quotidien. Sans autocontrôle, votre PMS n’est qu’un document théorique dans un classeur.
Pourquoi est-il important d’en réaliser ?
Sécurité renforcée pour vos clients
Détecter une chambre froide qui dérive en température avant que les denrées ne soient compromises. Identifier un produit qui approche de sa DLC et l’utiliser à temps. Repérer un problème de propreté avant qu’il ne s’aggrave.
L’autocontrôle vous permet d’anticiper les risques sanitaires.
Sérénité face aux inspections
Quand l’inspecteur arrive, vous savez déjà ce qu’il va trouver : vous avez inspecté vous-même votre établissement la veille. Vous pouvez présenter immédiatement tous les enregistrements demandés.
Les établissements pratiquant les autocontrôles rigoureux obtiennent de meilleures notations.
Économies financières substantielles
Un thermomètre qui alerte sur une panne imminente vous évite de perdre une somme non négligeable de marchandises. Une rotation rigoureuse des stocks limite le gaspillage. Une détection rapide des anomalies évite les interventions coûteuses en urgence.
L’autocontrôle est un investissement rentable.

Protection juridique
En cas de réclamation client ou de suspicion de TIAC, vos enregistrements d’autocontrôles démontrent que vous avez mis en place toutes les mesures nécessaires pour prévenir les risques.
L’absence de traçabilité aggrave considérablement votre responsabilité.
Responsabilisation de l’équipe
Impliquer votre personnel dans les autocontrôles développe leur conscience professionnelle. Chaque membre devient acteur de la sécurité alimentaire.
Cette culture partagée de l’hygiène est infiniment plus efficace que le contrôle vertical.
Les types d’autocontrôles possibles

L’autocontrôle se décline selon trois rythmes complémentaires.
L’essentiel est la régularité, pas la perfection. Mieux vaut un système simple appliqué rigoureusement qu’un système complexe abandonné au bout de trois semaines. Voici quelques exemples d’autocontrôles.
Autocontrôles quotidiens
Les points critiques qui ne peuvent pas attendre :
- Températures : équipements (chambres froides, armoires, congélateurs, vitrines chaudes – 2 fois par jour à chaque prise de poste) et produits ( refroidissement, remise en température, service etc.) ;
- DLC/DDM : vérification systématique des dates limites, rotation FIFO ;
- Contrôle visuel : état des denrées, absence de contaminations croisées en production et service ;
- Propreté : plans de travail, planches à découper, éviers, poubelles;
- Traçabilités : de réception, de production.
Autocontrôles hebdomadaires
Entretien approfondi par rotation :
- Nettoyage et désinfection en profondeur : une zone différente chaque semaine ;
- Rotation complète des stocks : vérification exhaustive des DLC ;
- Contrôle des équipements : gros matériel (alarmes, joints, thermomètres, plonge, lave-verres) et EPI (équipements de protection individuelle);
- Révision du planning de nettoyage et désinfection : respect et ajustements si nécessaire.
Autocontrôles mensuels
Vision d’ensemble et anticipation :
- Audit complet de l’état des locaux : sols, murs, plafonds, éclairage, ventilation ;
- Vérification des contrats : maintenance, dératisation, laboratoires d’analyses, respect des échéances ;
- Test de traçabilité : en amont ou en aval ;
- Point formation : attestations à jour, besoins identifiés ;
- Revue des non-conformités : bilan mensuel, actions correctives et préventives ;
- Révision du PMS : mise à jour si changements d’activité.
Les outils pour les tracer

L’obligation de résultats, pas de moyens
La réglementation n’impose pas d’outil spécifique. Ce qui compte, c’est que vos autocontrôles soient effectués et tracés de manière fiable. Papier ou numérique, l’important est de trouver la méthode qui vous convient et que vous maintiendrez dans la durée.
Solutions papier
- Classeur avec intercalaires par thématique
- Suivi papier affiché au mur et archivé
- Simplicité et accessibilité immédiate
Solutions numériques
- Tableurs Excel avec modèles réutilisables
- Applications mobiles dédiées
- Photos datées avec smartphone (horodatage automatique)
- Sauvegarde cloud et recherche facilitée
💡 Le minimum légal obligatoire à avoir dans tous les cas :
- Traçabilités (réception marchandise, production) ;
- Relevés de températures (équipements, production, services) ;
- Suivi des huiles ;
- Plan de nettoyage et enregistrements de réalisation ;
- Enregistrements de maintenance (contrats + rapports).
Qui doit être en charge des autocontrôles ?
Une responsabilité partagée
L’autocontrôle ne peut pas reposer sur une seule personne. Pour être efficace et durable, il doit être partagé par toute l’équipe.
Répartition des responsabilités
Chef de cuisine : Relevés de températures du matin, contrôle des livraisons, validation des enregistrements
Second : Relevés du soir, supervision du plan de nettoyage
Chefs de partie : Contrôle des DLC dans leur zone, datation des produits entamés
Commis : Contrôles visuels, aide au nettoyage approfondi
Plongeur : Températures du lave-vaisselle, gestion des déchets, ordre dans la zone plonge


Les clés de l’implication
Expliquer le « pourquoi » : Votre équipe doit comprendre que l’autocontrôle protège les clients, l’établissement et le personnel.
Former et accompagner : Montrez concrètement comment faire, pratiquez ensemble les premiers jours, vérifiez régulièrement.
Valoriser et célébrer : Remerciez l’équipe, partagez les bons résultats, célébrez les inspections réussies.
Corriger avec bienveillance : En cas de manquement, rappelez le « pourquoi », vérifiez la compréhension, accompagnez, puis recadrez si récidive.
Les erreurs à éviter
Vous l’avez compris, tous les items de la grille ne se valent pas. Certains ont un poids plus important dans l’évaluation finale. Voici quelques exemples d’éléments à ne jamais négliger.
📍Erreur n°1 : Vouloir tout faire d’un coup
Vous décidez d’un système ultra-complet du jour au lendemain. Résultat : l’équipe est submergée, et tout est abandonné en deux semaines.
→ Solution : Approche progressive avec un accompagnement de votre part au quotidien pour sensibiliser.
📍 Erreur n°2 : Le « remplissage de cases »
Les relevés sont faits machinalement sans vraiment regarder. On note toujours « +3°C » par habitude.
→ Solution : Contrôles aléatoires de cohérence, discussion régulière sur les résultats, responsabilisation de vos équipes.
📍 Erreur n°3 : Ne pas agir sur les anomalies
Vous relevez une température anormale, vous la notez… et vous ne faites rien.
L’autocontrôle devient inutile.
→ Solution : Établir une procédure claire à afficher sur votre support de traçabilité indiquant les cas précis dans lesquels des actions correctives sont à réaliser. Une vérification sur la compréhension, l’efficacité et la praticité de cette procédure est à faire avec votre équipe post anomalie.
📍Erreur n°4 : Garder les enregistrements pour soi
Le chef seul connaît le système, les documents sont dans son bureau fermé. L’équipe ne se sent pas concernée. S’il est absent, personne n’est capable de prendre la relève.
→ Solution : Accessibilité des documents, partage des résultats, affichage des indicateurs.
📍Erreur n°5 : Négliger la traçabilité papier
Vous vous concentrez sur les températures mais jetez les bons de livraison. En cas de problème, impossible de retrouver l’origine d’un produit.
→ Solution : Système simple mais rigoureux de classement (6 mois minimum de conservation).
📍 Erreur n°6 : Oublier l’audit mensuel global
Les contrôles quotidiens sont bien faits, mais personne ne prend de recul. Des problèmes structurels passent inaperçus.
→ Solution : Bloquer 2-3h chaque mois dans l’agenda pour l’audit complet.
Pour aller plus loin, planifiez un audit externe annuel pour obtenir un regard objectif sur vos pratiques. Un œil neuf identifie les angles morts que le quotidien nous fait parfois négliger.
De l’autocontrôle à la culture de l’excellence
L’autocontrôle n’est pas une fin en soi : c’est un moyen. Un moyen de garantir la sécurité de vos clients, de protéger votre établissement, de réaliser votre activité avec sérénité, et de construire une véritable culture de l’excellence.
Quand l’autocontrôle est bien ancré dans vos pratiques quotidiennes, il ne ressemble plus à une contrainte administrative. Il devient un réflexe naturel, une routine rassurante, un outil de pilotage indispensable.
🎯 L’ESSENTIEL À RETENIR
Les 3 clés pour réussir vos autocontrôles :
✓ Commencez simplement et progressez par étapes : Ne visez pas la perfection immédiate, construisez brique par brique ;
✓ Impliquez toute votre équipe : Les autocontrôles partagés sont infiniment plus efficaces que les autocontrôles solitaires ;
✓ Agissez sur les écarts détectés : Un autocontrôle sans action corrective ne sert à rien. C’est l’action qui crée la valeur.
Le jour de l’inspection officielle n’est que la photographie d’un instant. C’est votre travail quotidien des semaines et mois précédents qui sera évalué. Investissez dans la préparation continue plutôt que dans le stress de dernière minute.



